Divorce et bail : conséquences du divorce et de la séparation sur la titularité du bail

« Le 1er juin dernier1, le Conseil constitutionnel a sanctionné le caractère expéditif de la procédure de recours ouverte contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF) visant les ressortissants étrangers incarcérés. Alors que ces OQTF ne pouvaient être contestées que dans les quarante-huit heures suivant leur notification et que le juge ne disposait que de soixante-douze heures pour se prononcer2, le Conseil constitutionnel a considéré que de tels délais étaient insuffisants pour permettre à l’étranger d’« exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci ». Il les a donc jugés contraires au « droit à un recours juridictionnel effectif ».

Affirmant vouloir tirer les conséquences de cette décision, le gouvernement a obtenu du Sénat l’adoption d’un amendement qui ne remédie en rien à l’inconstitutionnalité constatée. En effet, selon le texte voté, les étrangers détenus ne disposent toujours que de quarante-huit heures pour exercer un recours contre les OQTF notifiées à leur encontre. Un amendement du sénateur Jean-Yves Leconte qui proposait d’allonger ce délai à quinze jours a été rejeté sans véritable débat. Par ailleurs, si le délai donné au juge pour se prononcer est désormais de six semaines ou de trois mois selon les cas, une réserve de taille a été introduite par le gouvernement : « lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue, l’autorité administrative en informe [le juge] » qui doit alors statuer dans les six jours.

Or nous, avocats, pouvons en témoigner : la plupart des OQTF sont notifiées quelques jours seulement avant la libération de l’étranger. En pratique, le délai cumulé de recours et de jugement de l’OQTF sera donc le plus souvent de huit jours (48 h + 6 jours). Soit seulement trois jours de plus que le délai censuré par la décision QPC du 1er juin 2018.

Dans ces conditions, on ne peut sérieusement considérer que les exigences du Conseil constitutionnel ont été prises en compte. Le sénateur LREM Alain Richard l’a d’ailleurs admis, exprimant des doutes sur la constitutionnalité du dispositif adopté et indiquant qu’une nouvelle censure du Conseil constitutionnel était à craindre3.

Si le texte adopté par le Sénat n’est pas modifié, en effet, le droit à un recours effectif de nos clients étrangers ne sera toujours pas garanti : ne prolonger que de trois jours le délai d’examen des recours formés contre les OQTF notifiées en prison ne répond manifestement pas à la préoccupation du Conseil constitutionnel d’offrir à l’étranger incarcéré un temps suffisant pour présenter au juge un dossier complet.

Surtout, quelle qu’en soit la durée, l’allongement du délai de jugement ne profite qu’aux étrangers qui ont réussi à saisir le juge en dépit de la brièveté du délai de recours. Or ils sont peu nombreux à réussir un tel exploit. Et pour cause…

Dans un rapport récent, l’Observatoire international des prisons, le GISTI et la CIMADE ont en effet décrit les multiples obstacles, souvent insurmontables, auxquels se heurtent les étrangers détenus pour attaquer une OQTF dans le délai de quarante-huit heures : notification souvent expéditive de la mesure sans la présence d’un interprète, absence de traduction écrite des documents notifiés, interdiction de conserver sur soi une copie de l’OQTF, absence d’accès libre à un téléphone ou un fax, impossibilité de bénéficier en urgence d’une assistance juridique, accès difficile aux documents personnels, dépendance totale vis-à-vis de l’administration pénitentiaire pour la moindre démarche, etc. Une étude de la jurisprudence conduite par ces associations révèle que plus de 40 % des recours formés contre des OQTF notifiées en détention ont été rejetés comme tardifs par les tribunaux administratifs ces dernières années4. Un taux qu’on ne retrouve dans aucun autre domaine du contentieux administratif.

En 2012, déjà, la Cour européenne des droits de l’homme critiquait « le caractère extrêmement bref du délai de quarante-huit heures » imparti aux personnes étrangères détenues pour contester les OQTF notifiées en prison5. Depuis, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la CNCDH, le Commissaire européen aux droits de l’homme, mais aussi les associations et intervenants en détention ainsi que certains parlementaires n’ont cessé de dénoncer cette situation. Très récemment, le Défenseur des droits confirmait à son tour que « le droit au recours effectif des détenus étrangers apparaît substantiellement affecté par la brièveté [du délai de recours et de jugement des OQTF] sans qu’aucune contrainte inhérente à la détention ne puisse justifier une telle atteinte »6.

Avec la décision QPC du 1er juin 2018, c’est cette fois la plus haute juridiction de notre pays qui est enfin venue rappeler qu’offrir aux étrangers détenus une procédure de recours répondant aux exigences du droit à un recours effectif est une exigence constitutionnelle.

Le législateur se trouve désormais face à un choix : prévoir des délais de recours et de jugement qui garantissent le respect de ce droit ou continuer de maintenir les étrangers détenus dans une situation qui viole manifestement le droit fondamental au juge que notre pays est tenu de garantir. Et s’attirer une nouvelle fois les foudres du Conseil constitutionnel ».

1 Cons. const. 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC, Dalloz actualité, 8 juin 2018, obs. E. Maupin ; AJDA 2018. 1131 ; D. 2018. 1155, et les obs. .
2 CESEDA, art. L. 512-1 IV.
3 Séance du 22 juin 2018.
4 Selon une étude portant sur une centaine de jugements de tribunaux administratifs rendus entre 2010 et 2017 ; résultats de l’étude exposés ici.
5 CEDH 2 févr. 2012, I. M . c. France, n° 9152/09, § 155, AJDA 2012. 244 ; ibid. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano .
6 Décision du 7 mars 2018

Publié sur le site dalloz.actualités le 2 juillet 2018 par tribune d’avocats.

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